Les Baux-de-Provence (13) – 27/08/11 – Discours de Bernard Bornette prononcé lors de l’Université d’été 2011 du MNR
Le thème de la démondialisation est devenu très présent dans de nombreuses couches politiques.
On en parle de l’extrême droite – Marine Le Pen – à l’extrême gauche avec Mélenchon et Montebourg, qui vient de sortir un livre sur le sujet. Ce livre établit un bilan réaliste de la mondialisation, assorti d’une série de mesures totalement utopistes.
Il est vrai que le sujet est d’importance: la mondialisation est largement à l’origine de la destruction de nombre de nos activités économiques, avec ses conséquences l’augmentation du chômage et l’appauvrissement de bien de nos régions.
Et le mal ne fait qu’empirer puisqu’il n’est pas contenu, ni même analysé.
On en attribue la cause principale à un facteur simple et compréhensible par le plus grand nombre: l’arrivée sur nos marchés de produits et marchandises jadis produits en France et provenant de zones économiques aux salaires très faibles, dépourvues de protection sociale, sans aucun souci environnemental et échappant donc aux coûts y relatifs.
Ce sont également ces zones qui attirent nombre de nos entreprises qui s’y installent pour bénéficier de coûts de production allégés.
Alors, nous dit-on de toutes part, il faut rétablir des contrôles aux frontières pour contrer le double phénomène des importations à bas prix et de la désindustrialisation.
Et effectivement cela semble relever du bon sens, et nous n’avons pas échappé à cette tentation.
Mais si l’on y regarde de plus près, sans se contenter d’affirmation globale, on constate que le problème n’est pas si simple, et qu’il s’est largement compliqué avec les différents textes et traités qui ont conduit à la Constitution européenne.
J’écarterai à ce stade de l’analyse, les considérations résultant de des traités signés par la France: Union Européenne, Gatt devenu l’OMC et l’ONU, pour m’attacher concrètement aux seules conditions relatives à la mise en place d’une politique de contrôle des frontières.
Ceci supposerait :
En premier lieu la définition des produits que l’on souhaiterait pénaliser. Par exemple je ne pense pas que l’électro ménager ou l’électronique grand public seraient concernés puisque, qu’on le regrette ou non, et nous le regrettons fortement, ils ne sont plus fabriqués en France et les importer à bas prix favorise notre niveau de vie.
Il faudrait donc établir une nomenclature précise des produits concurrents de produits encore fabriqués ici et que l’on souhaite protéger.
Il faudrait ensuite établir une tarification douanière par produit et par pays d’origine, devant conduire pour chaque produit à des droits de douane amenant le produit à un coût rendu en France comparable à nos fabrications., en supposant d’ailleurs que ces produits importés ont des performance et des spécificités comparables aux productions nationales.
Cela exigerait que l’on connaisse le prix de revient du produit importé, et donc que l’on ait la possibilité d’auditer sur place les coûts de fabrication (salaires coût des approvisionnements et autres…), les conditions sociales prévalant dans cette entreprise et dans le ou les pays concernés, en cas de provenance multiple..
Je n’imagine pas que ni les entreprises concernées, ni les états accepteraient de tels audits au demeurant difficilement praticables: sous traitance, approvisionnements diversifiés etc…
Et pourtant il est totalement inenvisageable de taxer globalement les productions provenant de tel ou tel pays en se basant sur des estimations de salaires, charges sociales, environnementales etc.…que l’on imputerait à tel ou tel pays.
Ce serait inenvisageable et inefficace, car il serait très facile aux producteurs locaux de faire transiter leurs productions par tel ou tel pays supposé bénéficier d’une taxation plus favorable qui, via un peu de valeur ajoutée locale deviendrait « acceptable » .Par exemple rien n’empêcherait un producteur Indonésien de faire transiter ses productions par un pays européen et donc non « surtaxé ».
Nombre d’entreprises de pays européens pourraient donc « européaniserait » le produit avec entrée libre en France, puisque l’on ne songe pas à entraver les mouvements intra européens qui assurent environ les deux tiers de notre commerce extérieur.
Vous conviendrez je pense que le montage de tels mécanismes est virtuellement impossible.
L’exemple des espadrilles de Mauléon…
On pourra se lamenter à loisir sur les conditions faussées de la concurrence que nous subissons, on pourrait également évoquer les taux de change « agressifs » de la Chine, on pourra condamner les politiques irresponsables qui en éliminant les frontières ont progressivement conduit à la situation d’aujourd’hui, mais cela sera sans effet.
Nous sommes d’ailleurs largement responsables de notre propre malheur: souvenons nous que, dans les années 60 /70 le patronat, plutôt que de mécaniser et investir dans l’industrie a oeuvré auprès des pouvoir publics pour obtenir une main d’œuvre à bas coût, via l’immigration.
Les présidents Pompidou puis Giscard ont largement contribué au développement d’une immigration non qualifiée, selon une politique dont les effets sont aujourd’hui dramatiques
Les architectes de tout cela ont bien monté leur coup.
Deuxième volet de la mondialisation: la désindustrialisation, c’est-à-dire la fermeture d” usines ou d’activités pour les déplacer dans un pays à bas coût…
Pourrait-on envisager de s’y opposer?
Je ne le crois pas, car pour empêcher une entreprise d’investir à l’étranger il faudrait en fait rétablir le contrôle des changes, aboli par l’Acte Unique » de 1985.
Le contrôle des changes implique, entre autres choses, de ne pouvoir acheter des devises étrangères qu’avec l’aval de la Banque de France et du ministère concerné.
Ce contrôle était donc relativement facile à faire vivre car nous vivions sous l’empire du franc.
C’était évidemment très contraignant pour les entreprises mais c’est pourtant sous ce régime que la France a connu les 30 glorieuses
Mais, en supposant même que l’on puisse rétablir un contrôle des changes, qui implique bien d’autres mesures que le contrôle des investissements, l’entreprise supposée dé localisante aurait tout loisir de faire emprunter par une filiale sur les marchés extérieurs;
Je regrette de – très vraisemblablement – vous décevoir, mais il me semble tout à fait impossible de sortir de la situation souvent dramatique dans laquelle nous ont plongés cette alliance improbable entre les chevaliers du village global que sont les mondialistes, le monde économique qui désirait bénéficier d’un terrain de jeu sans entraves et une classe politique, soumise à ceux-ci, et aveuglée par sa propre idéologie.
Envisager, par exemple, des barrières à l’importation des voitures fabriquées ailleurs n’aurait aucun sens car ces productions ne viennent pas en Europe, tandis que les firmes françaises sont, de longue date installées en Europe, et, depuis peu, dans ces pays lointains.
Et tant que la France est dans l’euro, le déficit de notre commerce extérieur (60 milliards) est rendu « invisible » par le dit euro. Merci l’Allemagne;
Notre problème est sans doute un problème interne de compétitivité.
Autre exemple: le textile, dont on attribue la déconfiture essentiellement aux productions exotiques, alors que la dégringolade date d’une quarantaine d’années avec la montée des productions italiennes tandis que notre industrie textile soufrait, avec d’autres, d’un manque crucial de modernisation.
Alors, nous dit-on, il faut instaurer des contrôles et des taxes douanières, non pas aux frontières de la France, mais aux frontières de l’Europe, à des niveaux judicieusement choisis.
Je pense que cette idée ne peut en aucun cas être opérationnelle, car je ne vois pas comment un tel tarif unique pourrait être applicable uniformément, à tous les pays européens qui n’ont évidemment pas les mêmes structures de production.
Et je vois encore moins des pays comme la Grande Bretagne, l’Allemagne ou la Hollande accepter, sur la seule demande de la France, d’instaurer un système douanier qui est en totale opposition avec leur philosophie politique.
En tout état de cause, toute tentative d’instaurer un protectionnisme européen serait une fausse solution car le problème se pose également à l’intérieur de l’Europe avec des disparités de coûts également très grandes à l’intérieur même de cette Europe et pas seulement avec les derniers arrivés.
Les disparités sont considérables avec l’Allemagne (retraite à 67 ans par exemple), et avec les autres nations européennes tant au point de vue social que fiscal (Grèce, Irlande, TVA en France et en Allemagne, impôts sur les sociétés etc.… Les écarts de compétitivité sont manifestes entre les nations européennes, mais, à ma connaissance, ce n’est qu’en France qu’on impute notre défaut de compétitivité à la mondialisation. La mondialisation n’empêche pas l’Allemagne, avec le même euro que le nôtre de connaitre un taux de chômage plus satisfaisant et un commerce extérieur en excédent de 140 milliards tandis que le nôtre est en déficit de 60 milliards.
Croyez vous réaliste d’envisager par exemple des droits de douane pour protéger Airbus contre Boeing au motif qu’il n’y a pas de protection sociale aux USA, ou encore contre la Chine à qui on a transféré la technologie?? Les premiers à protester seraient les compagnies aériennes européennes qui verraient ainsi le coût de leurs investissements majorés à due concurrence.
Pour autant, n’y a‑t-il rien à faire ?
Je ne le crois pas et je pense au contraire que nous devons œuvrer dans 3 directions.
Tout d’abord protéger ce qui peut encore l’être, et c’est en particulier le cas de note agriculture,
Notre agriculture est menacée de disparition si on laisse faire le bidule bruxellois qui au nom de la libre concurrence veut effacer ce qui reste de protection et mettre notre agriculture au niveau des prix mondiaux, avec pour conséquence la mort assurée du monde agricole.
L’instrument de la Politique Agricole commune doit être préservé, pour ce qu’il en reste avec maintien des subventions, européennes si possibles sinon françaises.
Car l’agriculture française va mal. La France a perdu sa place historique de première puissance agricole en Europe au profit de l’Allemagne. Près de 20 000 exploitations disparaissent chaque année, les revenus des agriculteurs se sont effondrés de 20 % en 2008 et de 34 % en 2009.
Nombre de nos agriculteurs connaissent une paupérisation croissante et le taux de suicide y est trois fois supérieur à celui de la moyenne nationale.
Ces constats, aggravés parfois par des conditions climatiques, résultent d’une politique qui consacre le marché-roi. Les agriculteurs sont livrés à un système toujours plus dérégulé mais bien peu transparent.
L’accord du G20 agricole ne contraint pas les États à agir contre la volatilité des prix, et sur la régulation des marchés !
Les conséquences sont dramatiques sur l’emploi rural et sur la désertification rurale, avec une population qui ne bénéficie d” aucune protection syndicale comparable à celle que l’on voit dans l’industrie et dans la fonction publique.
Il faut de toute urgence, et n’en déplaise à Bruxelles, maintenir le secteur agricole, c’est-à-dire également notre autonomie de subsistance, ce qui suppose de maintenir les services publics en oubliant donc les seules considérations de coûts.
C’est donc aujourd’hui d’un vaste plan de soutien financier à l’agriculture et au monde rural dans son ensemble dont nous avons besoin. Les mesures ponctuelles prises à l’occasion de telle ou telle crise ne sont pas appropriées pour retrouver la compétitivité dont notre agriculture a besoin pour arrêter de perdre des parts de marché.
Concernant la pêche, il faut stopper la politique de Bruxelles qui conduit en fait à la disparition de la pêche « artisanale » au bénéfice des organisations industrielles: Island et Japon par exemple
Il s’agit d’autre part d’établir la régulation européenne des marchés et de faire revivre la préférence communautaire telle qu’elle existait dans les traités européens.
Et enfin il faudrait agir au niveau mondial pour définir une politique agricole mondiale, en concertation avec les grands producteurs, et les pays du tiers monde
À côté de l’agriculture, il faut en deuxième lieu faire en sorte que l’industrie se positionne sur des productions et des marchés qui assureront l’activité de demain. Cela suppose que l’on identifie ces marchés du futur. C’est aux entreprises à le faire et non aux seules administrations.
Il faut créer, ou accentuer, les conditions financières qui favorisent la recherche, et le développement au moyen d’incitations fiscales fortes, par exemple en réduisant les délais d’amortissement, en instituer des mécanismes de sur amortissement.
Il faut rendre plus facile l’accès aux mécanismes de crédit impôt/recherche, et aider les PME à y accéder.
Il faut procéder à une analyse permanente des potentialités existant dans les centres de recherche (CNRS CEA, INSERM etc..) et dans les établissements d’enseignement supérieur et mettre en place les mécanismes conjoints de développement avec le secteur privé, à l’image de ce qui fut fait pour le nucléaire et le spatial, et à l’image de ce que réalisent d’autres pays en combinant étroitement recherche militaire et recherche industrielle
Dans le domaine industriel il faut accélérer les recherches devant conduire à mettre sur le marché des produits de substitution. Par exemple concernant l’industrie chimique face à l’explosion des coûts des matières premières d’origine pétrolière et à leur raréfaction, il faut encourager le développement de matières premières d’origine végétale qui se substitueront aux hydrocarbures. De timides recherche, qu’il conviendrait de dynamiser, sont en cours
Il faudra évidemment s’affranchir d’une immigration de peuplement qui, pour rester sur le seul plan économique, alourdit de 60 milliards par an les frais généraux de l’entreprise France, et menace d’en détruire la substance.
Il faudra savoir retenir nos meilleurs ingénieurs et chercheurs avec par exemple des systèmes de stock options incitatifs alors que la gauche veut les réduire au nom d’un égalitarisme imbécile.
N’oublions pas non plus notre proposition de financer la protection sociale par une taxation des mouvements financiers. Cette mesure serait une pièce utile, mais évidemment insuffisante, pour résoudre les questions que nous soulevons aujourd’hui.
Et quand on aura fait tout cela le plus difficile restera à faire: changer l’état d’esprit qui prévaut actuellement, un état d’esprit largement fait de résignation et d’immobilisme, de fausses solutions d’inspiration socialisantes ou libérales, afin de retrouver le dynamisme culturel et industriel sans lequel nous ne parviendrons pas à progresser.
Il s’agit de faire face à cette idéologie cosmopolite qui enseigne que les hommes, les peuples et les cultures se valent et sont interchangeables. On vient même de promouvoir une nouvelle théorie, venant bien entendu des USA, selon laquelle la notion de sexe n’existe pas, chacun a vocation à s’apparenter à l’un ou l’autre sexe, sous l’influence de la société. Cette absurdité, baptisée le Gender, vient de faire son entrée à l’éducation nationale, et fait évidemment vibrer une certaine gauche. A l “inverse, Régis Debray, qu’on n’attendait pas sur ce terrain, vient de produire un ouvrage, assez touffu, dans lequel il célèbre le retour aux frontières.….
Allons, tout espoir n’est pas perdu pour peu que l’on ait le courage et la volonté de revendiquer ce que nous sommes.
Je vous remercie de votre attention,
B.Bornette
28 août 2011